Indonésie: la production de granulés de chauffage menace la forêt primaire
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Déjà très impactées par la culture de l’huile de palme, les forêts indonésiennes sont menacées par la production de biomasse. La déforestation de la troisième plus grande forêt tropicale du monde risque d’augmenter à cause de la demande asiatique en granulés et en copeaux de bois.
En seulement 10 ans, la production de granulés de chauffage en Indonésie est passé de 20 000 à 330 000 tonnes, elle a donc été multipliée par 16, selon un rapport de Auriga et Earth Insight. Or, cette bioénergie, considérée comme une énergie renouvelable par l'Agence Internationale de l'Energie, a le vent en poupe puisque - même si brûler du bois relâche du CO2 dans l'atmosphère - la combustion de la biomasse peut « théoriquement » être absorbée en plantant davantage d'arbres.
Pour faire baisser les émissions de carbone des centrales électriques qui tournent au charbon, de nombreux pays cherchent donc à augmenter leurs approvisionnements en granulés. C'est le cas de l'Indonésie, qui veut diversifier son mix énergétique, mais aussi de la Corée du Sud et du Japon, deux marchés majeurs pour les exportations de bois indonésien. Ces deux pays subventionnent même ou incitent par des mesures fiscales l'utilisation de granulés, d'où une explosion de la demande dans la région Asie-Pacifique, avec un prix moyen aux alentours de 190 dollars la tonne. Un record.
La biomasse, une fausse bonne idée ?
Quand les granulés sont un produit de revalorisation des déchets forestiers, c’est une solution énergétique à cycle vertueux. Mais à partir du moment où de la forêt primaire est coupée pour y planter de la monoculture à croissance rapide destinée à la production de copeaux de bois, le rapport interroge les bénéfices réels de cette industrie. D’une part, la science a démontré que les jeunes forêts absorbent moins de CO2 que des forêts primaires, millénaires et diversifiées, qui sont les véritables « puits de carbone » de la planète.
D’autre part, en se fondant sur la stratégie énergétique 2021-2030 de l’Indonésie, les ONG de défense de l’environnement ont calculé que 10 millions d'hectares de « forêts intactes » seront touchés par l’industrie des pellets, et qu’une superficie de 2,3 millions d’hectares de forêt primaire risque de disparaître en copeaux de bois, rien que pour la consommation des 45 centrales à granulés et charbon mixte du pays.
Pour quels résultats en matière de lutte contre le réchauffement ? Au final, selon le rapport, l’utilisation des granulés réduirait de seulement 10% la consommation de charbon de l’Indonésie.
L’Indonésie est couverte par la 3ème forêt tropicale du monde, il est le 2ème pays à abriter le plus d’espèces endémiques (après l’Australie). Les conséquences sur la biodiversité seraient considérables. Ces nouveaux projets de déforestation, rien que pour répondre à la demande intérieure en biomasse (sans compter les exports) représentent une superficie 35 fois plus grande que Jakarta, qui avec ses 660km carrés est la plus grande métropole d’Asie du Sud-Est. Selon les observations satellitaires faites par les chercheurs, l’habitat des orangs-outangs de Sumatra et Bornéo, une espèce menacée, est d'ores et déjà affectée par les coupes qui ont commencé autour des centrales électriques.
Les nouvelles industries vont entraver les progrès réalisés
L'Indonésie, reste un petit acteur du business des granulés. Mais vu son couvert forestier, le potentiel est immense. Ce nouveau marché en pleine croissance inquiète d'autant plus que le pays avait réussi à réduire ses taux de déforestation ces dernières années. Les coupes de forêt primaires pour la plantation de palmiers a en effet diminué : en 2016, 930 000 hectares de forêt primaire ont été perdus, pour « seulement » 300 000 hectares disparus en 2023.
C'est en partie le résultat d'accords commerciaux dotés de clauses obligatoires, pour garantir l'origine de l'huile de palme de forêts durables. C'est aussi une conséquence du Covid-19 qui a ralenti l’activité.
Il y a des batailles de chiffres concernant la déforestation entre les données officielles indonésiennes et les chiffrages des ONGs. Mais il semble, malheureusement, que la tendance soit repartie à la hausse l'an dernier à cause du développement de nouvelles activités, moins réglementées que l'huile de palme : les granulés de chauffage, mais aussi la viscose (très utilisée dans le textile) ou l'extraction du nickel. L'Indonésie a les premières réserves de nickel au monde, un minerai stratégique pour l'industrie des véhicules électriques et des panneaux solaires.
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