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Géorgie: Bidzina Ivanishvili, le prince de l'ombre
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Il est Géorgien et se nomme Bidzina Ivanishvili. Il est l'homme le plus riche du pays et président d'honneur du parti Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012. Il est vu comme l'homme qui tire les ficelles de la turbulente vie politique de ce pays du Caucase déchiré entre l'aspiration à l'intégration européenne et le renforcement de la sphère d'influence russe.
À Tbilissi, il est difficile d'échapper à sa présence pour une raison simple et bien visible : son immense villa s'étale sur une colline dominant le quartier historique de la capitale. On y trouve, dit-on, un héliport, des appartements privés, un bureau panoramique, une galerie d'art où est exposé son Picasso à 95 millions de dollars... Il y a même un zoo privé et un aquarium dans lequel il cajole lui-même, de son propre aveu, un requin et une raie manta.
Le maître des lieux de ce palais de verre et d'acier porte des costumes de prix et des cheveux poivre-et-sel toujours impeccablement brossés en arrière. Calme, assumant une allure un peu pincée de colonel en civil, Bidzina Ivanishvili règne sur sa famille, sur son clan, sur son argent et sur son pays avec la même rigidité. De l'avis de nombre de ses adversaires qui l'ont connu dans le passé, c'est un homme qui aime exercer le pouvoir et qui, pour ce faire, s'appuie sur un entourage obscur. Mais c'est aussi un chef de parti très soucieux de préserver ses intérêts privés.
« Le qualificatif d'homme politique ne convient pas toujours à Ivanishvili parce que c'est une personnalité de l'ombre, explique ainsi le politologue Thorniké Gordadzé, enseignant à Sciences-Po, qui a été ministre dans le gouvernement ayant précédé l'arrivée en politique de l'oligarque. C'est quelqu'un qui déteste les réunions, qui n'aime pas parler aux diplomates et qui préfère rester chez lui. En revanche, il a un contrôle total à la fois sur le parti et le cabinet des ministres qui étaient ses anciens employés : son ancien garde-du-corps a été ministre de l'Intérieur puis chef des renseignements, son avocat ministre de la Justice, le dentiste de son épouse ministre de la Santé… Et on peut multiplier les exemples. »
La guerre ou la paix
Bidzina Ivanishvili dirige donc, de fait, les gouvernements successifs de la Géorgie depuis 2012. Et c'est lui qui, à l'aide de sa machine électorale et de ses obligés, a engagé la Géorgie dans la voie actuelle.
Vers quel but ? Après avoir voté le 26 octobre au milieu d'une violente bousculade de journalistes et de garde-du-corps, il a formulé ainsi ce qui, à ses yeux, était l'enjeu des législatives, qui sont depuis si controversées : « Soit nous choisissons un gouvernement qui vous servira, vous, le peuple géorgien, la société géorgienne, notre patrie, et s'occupera réellement de notre pays, soit nous choisissons des agents de l'étranger qui ne feront qu'obéir aux ordres de pays étrangers. »
Des forces occultes seraient donc à l'œuvre, selon lui, pour pousser la Géorgie à la guerre, comme elles auraient poussé l'Ukraine à la guerre en 2022 : tel était d'ailleurs son axe de campagne, telle est son obsession, tel est son croquemitaine préféré.
« L'homme est assez friand des théories du complot, explique Thorniké Gordadzé. Comme lui-même adore être dans l'ombre, il pense que le monde est gouverné par un nombre restreint de personnalités qui n'apparaissent pas : il le nomme le "Parti global de la guerre". Ce petit nombre contrôlerait Joe Biden, Ursula von der Leyen et la plupart des dirigeants et des chefs de gouvernement européens. Et dans cette configuration, il serait la seule personne qui protégerait la Géorgie d'une nouvelle guerre contre la Russie. »
Un pied à Moscou
La Russie, qui occupe encore une partie du pays depuis 2008 et qui est dans toutes les têtes en Géorgie, est en effet l'autre patrie de Bidzina Ivanishvili. Champion de la libre entreprise et de l'Europe hier, célébré par les milieux d'affaires occidentaux, il a même eu, pendant un temps, la nationalité française. Ce fils de mineur a bâti sa fortune à Moscou dans les années 1990, les grandes années du dépeçage de l'Union soviétique. Et de l'avis des bons connaisseurs du pays, on ne sort pas indemne ou totalement affranchi du Kremlin.
Pourtant, ses partisans et lui-même se taisent obstinément sur le sujet. Alors, son penchant pour Moscou ne serait-il qu'une rumeur malveillante ? Non, il s'agit d'un projet politique, estimait la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili. Les prochaines étapes pour son parti et lui, a-t-elle ainsi déclaré le 29 octobre 2024 sur RFI, « ils les ont annoncé au cours de la campagne électorale : l'arrestation des opposants, l'interdiction des partis politiques d'opposition, la mise en œuvre ''rigoureuse'' – comme ils disent – de la loi russe sur les ''agents étrangers'' qui pratiquement revient comme en Russie à la mise à pied et le placement sous contrôle de la société civile dans ses différentes formes, les ONG, les organisations humanitaires ou les médias... Et voilà, c'est bouclé, c'est un régime russe. »
Un régime, donc, qui serait au service exclusif de l'empire politique et financier de Bidzina Ivanishvili. On comprend pourquoi le site Politico le surnomme « l'homme qui s'est acheté un pays ».
62 פרקים
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Il est Géorgien et se nomme Bidzina Ivanishvili. Il est l'homme le plus riche du pays et président d'honneur du parti Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012. Il est vu comme l'homme qui tire les ficelles de la turbulente vie politique de ce pays du Caucase déchiré entre l'aspiration à l'intégration européenne et le renforcement de la sphère d'influence russe.
À Tbilissi, il est difficile d'échapper à sa présence pour une raison simple et bien visible : son immense villa s'étale sur une colline dominant le quartier historique de la capitale. On y trouve, dit-on, un héliport, des appartements privés, un bureau panoramique, une galerie d'art où est exposé son Picasso à 95 millions de dollars... Il y a même un zoo privé et un aquarium dans lequel il cajole lui-même, de son propre aveu, un requin et une raie manta.
Le maître des lieux de ce palais de verre et d'acier porte des costumes de prix et des cheveux poivre-et-sel toujours impeccablement brossés en arrière. Calme, assumant une allure un peu pincée de colonel en civil, Bidzina Ivanishvili règne sur sa famille, sur son clan, sur son argent et sur son pays avec la même rigidité. De l'avis de nombre de ses adversaires qui l'ont connu dans le passé, c'est un homme qui aime exercer le pouvoir et qui, pour ce faire, s'appuie sur un entourage obscur. Mais c'est aussi un chef de parti très soucieux de préserver ses intérêts privés.
« Le qualificatif d'homme politique ne convient pas toujours à Ivanishvili parce que c'est une personnalité de l'ombre, explique ainsi le politologue Thorniké Gordadzé, enseignant à Sciences-Po, qui a été ministre dans le gouvernement ayant précédé l'arrivée en politique de l'oligarque. C'est quelqu'un qui déteste les réunions, qui n'aime pas parler aux diplomates et qui préfère rester chez lui. En revanche, il a un contrôle total à la fois sur le parti et le cabinet des ministres qui étaient ses anciens employés : son ancien garde-du-corps a été ministre de l'Intérieur puis chef des renseignements, son avocat ministre de la Justice, le dentiste de son épouse ministre de la Santé… Et on peut multiplier les exemples. »
La guerre ou la paix
Bidzina Ivanishvili dirige donc, de fait, les gouvernements successifs de la Géorgie depuis 2012. Et c'est lui qui, à l'aide de sa machine électorale et de ses obligés, a engagé la Géorgie dans la voie actuelle.
Vers quel but ? Après avoir voté le 26 octobre au milieu d'une violente bousculade de journalistes et de garde-du-corps, il a formulé ainsi ce qui, à ses yeux, était l'enjeu des législatives, qui sont depuis si controversées : « Soit nous choisissons un gouvernement qui vous servira, vous, le peuple géorgien, la société géorgienne, notre patrie, et s'occupera réellement de notre pays, soit nous choisissons des agents de l'étranger qui ne feront qu'obéir aux ordres de pays étrangers. »
Des forces occultes seraient donc à l'œuvre, selon lui, pour pousser la Géorgie à la guerre, comme elles auraient poussé l'Ukraine à la guerre en 2022 : tel était d'ailleurs son axe de campagne, telle est son obsession, tel est son croquemitaine préféré.
« L'homme est assez friand des théories du complot, explique Thorniké Gordadzé. Comme lui-même adore être dans l'ombre, il pense que le monde est gouverné par un nombre restreint de personnalités qui n'apparaissent pas : il le nomme le "Parti global de la guerre". Ce petit nombre contrôlerait Joe Biden, Ursula von der Leyen et la plupart des dirigeants et des chefs de gouvernement européens. Et dans cette configuration, il serait la seule personne qui protégerait la Géorgie d'une nouvelle guerre contre la Russie. »
Un pied à Moscou
La Russie, qui occupe encore une partie du pays depuis 2008 et qui est dans toutes les têtes en Géorgie, est en effet l'autre patrie de Bidzina Ivanishvili. Champion de la libre entreprise et de l'Europe hier, célébré par les milieux d'affaires occidentaux, il a même eu, pendant un temps, la nationalité française. Ce fils de mineur a bâti sa fortune à Moscou dans les années 1990, les grandes années du dépeçage de l'Union soviétique. Et de l'avis des bons connaisseurs du pays, on ne sort pas indemne ou totalement affranchi du Kremlin.
Pourtant, ses partisans et lui-même se taisent obstinément sur le sujet. Alors, son penchant pour Moscou ne serait-il qu'une rumeur malveillante ? Non, il s'agit d'un projet politique, estimait la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili. Les prochaines étapes pour son parti et lui, a-t-elle ainsi déclaré le 29 octobre 2024 sur RFI, « ils les ont annoncé au cours de la campagne électorale : l'arrestation des opposants, l'interdiction des partis politiques d'opposition, la mise en œuvre ''rigoureuse'' – comme ils disent – de la loi russe sur les ''agents étrangers'' qui pratiquement revient comme en Russie à la mise à pied et le placement sous contrôle de la société civile dans ses différentes formes, les ONG, les organisations humanitaires ou les médias... Et voilà, c'est bouclé, c'est un régime russe. »
Un régime, donc, qui serait au service exclusif de l'empire politique et financier de Bidzina Ivanishvili. On comprend pourquoi le site Politico le surnomme « l'homme qui s'est acheté un pays ».
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