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Robert Sawyer: L’écrivain de science-fiction imagine l’avenir des sciences au Canada
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Ce balado est seulement disponible en anglais, mais vous pouvez lire la traduction française ci-dessous.
Les extraordinaires installations de recherche concrètes de ce pays offrent une merveilleuse toile de fond aux univers futuristes imaginés par Robert Sawyer. Elles confirment qu’il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour s’inspirer de la science de po
L’auteur primé Robert Sawyer rêvait d’une carrière scientifique, mais l’état de la recherche au Canada dans les années 1970 l’a dissuadé d’emprunter cette voie. Il a plutôt décidé d’écrire de la science-fiction. Aujourd’hui, il campe souvent le décor de ses romans dans les remarquables laboratoires de recherche canadiens, dont le Centre canadien de rayonnement synchrotron (où il a été écrivain résident) et le SNOLAB (où se déroule une partie de son roman Hominids, lauréat du prix Hugo). En novembre 2018, devant un auditoire de chercheurs qui assistaient à un séminaire sur les installations de recherche canadiennes, il a passé en revue l’évolution des établissements scientifiques canadiens, depuis son entrée à l’université en 1979 jusqu’aux installations de calibre mondial dont nous disposons aujourd’hui. Premier ministre Sir Wilfrid Laurier avait déclaré que le 20e siècle appartiendrait au Canada; M. Sawyer nous explique pourquoi, dans le cas des sciences et grâce à la FCI, l’homme d’État avait vu juste à une centaine d’années près.
[ROBERT SAWYER] J’ai fait mes premiers pas en sciences dans ce pays durant les années 1970. En 1979, à la fin de mon secondaire, je voulais être paléontologue et étudier les dinosaures.
[NARRATEUR] Voici Robert J. Sawyer, un auteur de science-fiction canadien primé. Il a écrit plus de vingt romans; ses livres sont traduits dans plus de deux douzaines de langues. Il prend ici la parole devant un auditoire de quelque 85 chercheurs canadiens à l’occasion d’un séminaire organisé par la Fondation canadienne pour l’innovation à Ottawa en novembre 2018.
[ROBERT SAWYER] Mon père qui enseignait alors l’économie à l’Université de Toronto m’a dit : Quel que soit ton choix de carrière, renseigne-toi sur les perspectives d’emploi avant de te lancer. Parce que pour devenir scientifique, il faut compter dix ans avant d’obtenir son doctorat. C’est un gros investissement en temps.
J’ai donc commencé à sonder le terrain. À l’époque, il y avait précisément trois paléontologues spécialistes des dinosaures au Canada. Et seulement 24 à plein temps dans le monde entier. Ce rêve en apparence insensé de devenir un auteur de science-fiction à succès reconnu internationalement tout en vivant à Toronto, au Canada, s’est révélé un choix professionnel plus facile à réaliser que de faire carrière en sciences au Canada dans les années 1970.
[NARRATEUR] Après avoir écrit son premier roman en 1988, Robert Sawyer avait toujours des regrets de ne pas être devenu un scientifique. Il cite David Suzuki qui s’est aussi prononcé sur l’état de la science au Canada à cette époque.
[ROBERT SAWYER] En 1987 – ne perdons pas de vue que ça fait 31 ans de cela — il a dit de l’état de la science au Canada : J’ai rapidement constaté la différence entre le Canada et les États-Unis. Mes collègues américains, qui débutaient aussi leur carrière dans un poste de professeur adjoint, pouvaient s’attendre à recevoir des premières subventions de 30 000 à 40 000 dollars. On m’a dit que les subventions du Conseil national de recherches du Canada commençaient autour de 2500 dollars.
Il est clair qu’à l’époque où je pensais devenir un scientifique, la science dans ce pays n’en était encore qu’à ses premiers balbutiements en plus d’être sous-évaluée. Il n’y avait pas beaucoup de gens qui se consacraient à plein temps à la science. Nos établissements ne recevaient pas le financement adéquat. Le formidable bassin d’intellectuels produit ici au Canada n’était pas apprécié à sa juste valeur.
Mais les temps ont changé. Et, comme auteur de science-fiction, j’ai eu la chance d’observer ces changements. Hominids, publié en 2002, se déroule en grande partie dans ce qu’on appelait alors l’Observatoire de neutrinos de Sudbury, aujourd’hui rebaptisé le SNOLAB en raison de son mandat élargi.
[NARRATEUR] Le SNOLAB est une installation souterraine unique située à Sudbury, en Ontario. Construit deux kilomètres sous terre dans une mine de nickel, le laboratoire se spécialise dans l’étude des neutrinos et de la matière noire. En 2015, l’astrophysicien canadien Arthur McDonald et son partenaire de recherche ont obtenu le prix Nobel de physique pour leur découverte qui montre que les particules subatomiques appelées neutrinos ont une masse.
[ROBERT SAWYER] Je me rappelle très bien avoir appelé Art McDonald et lui avoir dit : Vous savez, je veux écrire un roman qui se passe… Et il m’a répondu : Écoutez, un auteur de romans policiers est venu ici et nous n’étions pas très contents de ce qu’il a fait, je ne sais pas. Il a ensuite ajouté : Vous voulez faire quoi? Et j’ai dit : « Eh bien, dans le premier chapitre, je veux détruire le détecteur de neutrinos. Il m’a alors répondu : Vous savez comment vous pourriez faire ça? [RIRES DE M. SAWYER ET DU PUBLIC]
Et, de fait, j’ai utilisé son scénario. Et il a immédiatement embarqué. Et, pendant que j’écrivais le roman, j’ai été ravi de pouvoir… Je cherchais une installation de calibre mondial et, contrairement à la période où j’ai commencé à écrire à la fin des années 1980, au début des années 2000, je pouvais choisir le décor de mes romans parmi des lieux qui existaient. Mais j’ai commencé par l’Observatoire de neutrinos de Sudbury parce que c’est vraiment une installation merveilleuse, incroyable. Passez par là si vous en avez la chance. Allez y jeter un coup d’œil.
J’ai appris que le SNOLAB est équipé des toilettes à chasse les plus profondes au monde. Et je me sentais mal parce qu’il faut compter quatre heures pour descendre dans le SNOLAB. C’est le seul… Alors je me suis retenu. Je ne savais pas. J’aurais dû utiliser la toilette parce que j’aurais pu participer à ce record, n’est-ce pas? J’aurais pu dire : Wow! Je l’ai utilisée. C’est un peu comme aller au Louvre et ne pas voir La Joconde? D’une certaine façon, on passe à côté de l’essentiel.
[NARRATEUR] Dans son œuvre de fiction, Robert Sawyer a souvent situé l’intrigue de ses romans dans des installations de recherche de calibre mondial. Pour son vingt-troisième roman, Quantum Night, il s’est inspiré du Centre canadien de rayonnement synchrotron établi à Saskatoon, en Saskatchewan.
[ROBERT SAWYER] Ce choix allait de soi. Permettez-moi de vous lire un extrait du roman. [LECTURE] Kayla et moi sommes arrivés au Centre canadien de rayonnement synchrotron un peu après 9 h. J’ai remarqué avec amusement que l’adresse du centre, situé sur le campus de l’Université de la Saskatchewan, était…
Quelle est cette adresse? [UN MEMBRE DU PUBLIC RÉPOND ET M. SAWYER RÉPÈTE] 44, boulevard Innovation!
[IL POURSUIT LA LECTURE] Je suppose qu’il était difficile pour les autres entreprises établies dans cette rue d’être à la hauteur de ce que Kayla décrivait pendant qu’elle me faisait visiter. Un synchrotron, a-t-elle dit tandis que nous marchions, est un instrument incroyablement polyvalent; c’est le couteau suisse des accélérateurs de particules. On peut le régler de manière à réaliser à peu près n’importe quoi, ajuster la gamme d’énergie, la longueur d’onde, la résolution, la luminosité des photons et la taille des faisceaux. Les chercheurs ici travaillent dans toutes sortes de domaines : physique fondamentale, archéologie, géologie, botanique, nouvelles sources de carburant, science des matériaux.
C’est incroyable de voir la quantité de recherches scientifiques exceptionnelles de calibre mondial menées ici. Et de constater comment des appareils conçus dans un but précis — comme c’étaient le cas pour le synchrotron et le SNOLAB — ont vu leur rôle s’étendre avec le temps. Qui aurait pu penser, au moment de la construction du synchrotron, qu’un de ses principaux domaines de recherche serait l’archéologie? C’est vraiment phénoménal ce qu’on arrive à faire une fois l’infrastructure en place.
[NARRATEUR] Pour ses romans, Robert Sawyer s’est inspiré de grandes installations scientifiques situées aussi bien à l’échelle internationale — par exemple, le CERN, un laboratoire de physique des particules en Suisse — qu’au Canada, comme le département de paléontologie du Musée royal de l’Ontario à Toronto et l’accélérateur de particules TRIUMF à Vancouver. Il s’emploie, dans ses œuvres de fiction, à mettre en lumière les installations scientifiques canadiennes.
[ROBERT SAWYER] Je ne vais jamais à l’extérieur des frontières du Canada, sauf quand les contraintes du récit m’y obligent. Par exemple, j’ai écrit le roman Un procès pour les étoiles. Ce drame judiciaire raconte l’histoire d’un extraterrestre accusé de meurtre. Aux États-Unis, le défendeur risque la peine de mort. Au Canada, il ferait seulement l’objet d’une sévère réprimande. J’ai donc dû situer l’intrigue aux États-Unis pour que les enjeux soient plus dramatiques. Mais dans toute autre circonstance, j’essaie de trouver une solution au Canada. Et au cours de ce siècle, j’y suis parvenu.
[NARRATEUR] L’enthousiasme de M. Sawyer pour la science au Canada vient de son passé d’aspirant scientifique devenu écrivain. Il a vu se transformer la recherche au pays au cours des décennies. Il en parle dans un entretien après sa présentation.
[ROBERT SAWYER] Selon moi, nous n’avons jamais fait mieux, mais cela ne veut pas dire que la recherche scientifique au Canada ne peut pas s’améliorer encore. Je crois que nous sommes sur une belle lancée. Nous avons eu un lauréat du prix Nobel de physique en 2018. Nous avons eu un prix Nobel de physique trois ans auparavant et je m’attends à voir de plus en plus de prix Nobel canadiens en sciences. Nous verrons aussi de plus en plus d’étudiants en sciences canadiens rester ici parce qu’ils ne trouveront pas mieux ailleurs.
Parce que le SNOLAB est le meilleur endroit au monde pour mener des recherches fondamentales sur les particules. Le Centre canadien du rayonnement synchrotron est le meilleur endroit au monde pour réaliser tous ces travaux que permet un synchrotron. Notre brise-glace Amundsen est le meilleur endroit au monde pour mener des recherches sur l’Arctique. Nous avons non seulement les cerveaux les mieux formés, mais aussi les meilleures installations. Et ils nous permettront d’être reconnus sur la scène mondiale.
[NARRATEUR] Cette vision optimiste de Robert Sawyer sur l’avenir de la science au Canada, on la retrouve aussi dans son approche de l’écriture de fiction. Pour lui, la science-fiction est un instrument qui peut influencer notre façon d’envisager l’avenir et le rôle de la recherche dans la construction de cet avenir.
[ROBERT SAWYER] Si la science-fiction me passionne, ce n’est pas, comme on le croit souvent, parce qu’elle prédit l’avenir, car ce n’est pas notre rôle de prédire l’avenir. Notre travail consiste à laisser entrevoir la multiplicité des avenirs possibles, l’éventail de demains potentiels, afin que nous puissions nous dire : Mais c’est terrible! La surveillance omniprésente des citoyens, l’absence de vie privée, le manque de liberté. Nous ne voulons pas cela! Vous savez, c’est ce que George Orwell nous a rappelé. Ou encore, nous pouvons nous dire : Il existe plein de nouvelles technologies reproductrices, mais si nous laissons cela entre les mains des hommes… Margaret Atwood a écrit un roman de science-fiction à ce sujet – La servante écarlate, n’est-ce pas?
Malheureusement, ces livres de science-fiction qui offrent des représentations dystopiques sont généralement plus faciles à écrire – Si les choses continuent comme cela, ça va aller très mal. Dans cet éventail de possibilités, j’ai voulu – c’est ce qui m’intéresse – trouver cet élément qui n’a pas encore été vu comme une proposition appétissante. Je veux montrer que si nous nous servons correctement de l’intelligence artificielle, nous pouvons nous donner ce monde qui sera meilleur pour tous. Si nous menons des recherches sur la génomique et la génétique et partageons l’information génétique dans un contexte de médecine socialisée, nous pourrons assurer une vie meilleure, plus longue, plus saine à l’ensemble de la population.
Selon moi, quand la science-fiction met à profit sa nature spéculative pour proposer des perspectives positives, on peut stimuler les gens… et c’est tant mieux si je stimule mes lecteurs. Cela dit, c’est secondaire. Ça me permet de gagner ma vie, mais c’est secondaire. Ce qui est important, c’est que ces lecteurs se mobilisent pour faire bouger leurs représentants gouvernementaux et qu’ils leur disent : Voilà ce que nous voulons! Donnez-le nous! Donnez-nous une intelligence artificielle productive et sécuritaire! Donnez-nous une plus longue espérance de vie en bonne santé. Donnez-nous des moyens d’augmenter la rentabilité des récoltes comme jamais auparavant. Donnez-nous cet avenir. Ne nous donnez pas celui où les robots deviennent les maîtres du monde. Ne nous donnez pas celui où nous n’avons aucune liberté de reproduction. Ne nous donnez pas celui où nous n’avons plus de vie privée. Choisissez ces avenirs…
Et je veux promouvoir les avenirs positifs que je connais… Parce que cela fait 150 ans, maintenant 151 ans, que nous travaillons dans ce pays à bâtir ces avenirs prospères. Et nous essayons de le faire pour tout le monde! Aucun autre pays sur la planète n’a une feuille de route comme la nôtre.
[NARRATEUR] À la fin de sa présentation, Robert Sawyer rappelle aux chercheurs présents dans la salle le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’avenir de la recherche au Canada.
[ROBERT SAWYER] Mon écrivain de science-fiction préféré, Arthur C. Clark, a déjà dit : Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. Je ne crois pas que ce soit tout à fait vrai. Selon moi, si on s’engage trop loin dans la magie, on enfreint les lois connues de la physique, la conservation de la masse et de l’énergie. Mais je souscris à son idée selon laquelle plus la science évolue… Maintenant que nous sommes dans la seconde décennie du 21e siècle, songez à quel point nous avons évolué. Imaginez où nous en serons à la cinquième décennie, à la neuvième décennie de ce siècle. Plus la science évoluera, plus elle paraîtra miraculeuse au grand public. Les choses que nous sommes capables de faire. Vous, les chercheurs, obtenez le financement. Avec la FCI, vous disposez d’un formidable organisme auquel vous êtes redevable. Vous avez aussi une grande responsabilité envers vos collègues masculins et féminins. Vous devez veiller à prendre les bonnes décisions, tandis que nous avançons vers un merveilleux avenir dans lequel je pourrais moi-même être un scientifique si j’étais né aujourd’hui.
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Les extraordinaires installations de recherche concrètes de ce pays offrent une merveilleuse toile de fond aux univers futuristes imaginés par Robert Sawyer. Elles confirment qu’il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour s’inspirer de la science de po
L’auteur primé Robert Sawyer rêvait d’une carrière scientifique, mais l’état de la recherche au Canada dans les années 1970 l’a dissuadé d’emprunter cette voie. Il a plutôt décidé d’écrire de la science-fiction. Aujourd’hui, il campe souvent le décor de ses romans dans les remarquables laboratoires de recherche canadiens, dont le Centre canadien de rayonnement synchrotron (où il a été écrivain résident) et le SNOLAB (où se déroule une partie de son roman Hominids, lauréat du prix Hugo). En novembre 2018, devant un auditoire de chercheurs qui assistaient à un séminaire sur les installations de recherche canadiennes, il a passé en revue l’évolution des établissements scientifiques canadiens, depuis son entrée à l’université en 1979 jusqu’aux installations de calibre mondial dont nous disposons aujourd’hui. Premier ministre Sir Wilfrid Laurier avait déclaré que le 20e siècle appartiendrait au Canada; M. Sawyer nous explique pourquoi, dans le cas des sciences et grâce à la FCI, l’homme d’État avait vu juste à une centaine d’années près.
[ROBERT SAWYER] J’ai fait mes premiers pas en sciences dans ce pays durant les années 1970. En 1979, à la fin de mon secondaire, je voulais être paléontologue et étudier les dinosaures.
[NARRATEUR] Voici Robert J. Sawyer, un auteur de science-fiction canadien primé. Il a écrit plus de vingt romans; ses livres sont traduits dans plus de deux douzaines de langues. Il prend ici la parole devant un auditoire de quelque 85 chercheurs canadiens à l’occasion d’un séminaire organisé par la Fondation canadienne pour l’innovation à Ottawa en novembre 2018.
[ROBERT SAWYER] Mon père qui enseignait alors l’économie à l’Université de Toronto m’a dit : Quel que soit ton choix de carrière, renseigne-toi sur les perspectives d’emploi avant de te lancer. Parce que pour devenir scientifique, il faut compter dix ans avant d’obtenir son doctorat. C’est un gros investissement en temps.
J’ai donc commencé à sonder le terrain. À l’époque, il y avait précisément trois paléontologues spécialistes des dinosaures au Canada. Et seulement 24 à plein temps dans le monde entier. Ce rêve en apparence insensé de devenir un auteur de science-fiction à succès reconnu internationalement tout en vivant à Toronto, au Canada, s’est révélé un choix professionnel plus facile à réaliser que de faire carrière en sciences au Canada dans les années 1970.
[NARRATEUR] Après avoir écrit son premier roman en 1988, Robert Sawyer avait toujours des regrets de ne pas être devenu un scientifique. Il cite David Suzuki qui s’est aussi prononcé sur l’état de la science au Canada à cette époque.
[ROBERT SAWYER] En 1987 – ne perdons pas de vue que ça fait 31 ans de cela — il a dit de l’état de la science au Canada : J’ai rapidement constaté la différence entre le Canada et les États-Unis. Mes collègues américains, qui débutaient aussi leur carrière dans un poste de professeur adjoint, pouvaient s’attendre à recevoir des premières subventions de 30 000 à 40 000 dollars. On m’a dit que les subventions du Conseil national de recherches du Canada commençaient autour de 2500 dollars.
Il est clair qu’à l’époque où je pensais devenir un scientifique, la science dans ce pays n’en était encore qu’à ses premiers balbutiements en plus d’être sous-évaluée. Il n’y avait pas beaucoup de gens qui se consacraient à plein temps à la science. Nos établissements ne recevaient pas le financement adéquat. Le formidable bassin d’intellectuels produit ici au Canada n’était pas apprécié à sa juste valeur.
Mais les temps ont changé. Et, comme auteur de science-fiction, j’ai eu la chance d’observer ces changements. Hominids, publié en 2002, se déroule en grande partie dans ce qu’on appelait alors l’Observatoire de neutrinos de Sudbury, aujourd’hui rebaptisé le SNOLAB en raison de son mandat élargi.
[NARRATEUR] Le SNOLAB est une installation souterraine unique située à Sudbury, en Ontario. Construit deux kilomètres sous terre dans une mine de nickel, le laboratoire se spécialise dans l’étude des neutrinos et de la matière noire. En 2015, l’astrophysicien canadien Arthur McDonald et son partenaire de recherche ont obtenu le prix Nobel de physique pour leur découverte qui montre que les particules subatomiques appelées neutrinos ont une masse.
[ROBERT SAWYER] Je me rappelle très bien avoir appelé Art McDonald et lui avoir dit : Vous savez, je veux écrire un roman qui se passe… Et il m’a répondu : Écoutez, un auteur de romans policiers est venu ici et nous n’étions pas très contents de ce qu’il a fait, je ne sais pas. Il a ensuite ajouté : Vous voulez faire quoi? Et j’ai dit : « Eh bien, dans le premier chapitre, je veux détruire le détecteur de neutrinos. Il m’a alors répondu : Vous savez comment vous pourriez faire ça? [RIRES DE M. SAWYER ET DU PUBLIC]
Et, de fait, j’ai utilisé son scénario. Et il a immédiatement embarqué. Et, pendant que j’écrivais le roman, j’ai été ravi de pouvoir… Je cherchais une installation de calibre mondial et, contrairement à la période où j’ai commencé à écrire à la fin des années 1980, au début des années 2000, je pouvais choisir le décor de mes romans parmi des lieux qui existaient. Mais j’ai commencé par l’Observatoire de neutrinos de Sudbury parce que c’est vraiment une installation merveilleuse, incroyable. Passez par là si vous en avez la chance. Allez y jeter un coup d’œil.
J’ai appris que le SNOLAB est équipé des toilettes à chasse les plus profondes au monde. Et je me sentais mal parce qu’il faut compter quatre heures pour descendre dans le SNOLAB. C’est le seul… Alors je me suis retenu. Je ne savais pas. J’aurais dû utiliser la toilette parce que j’aurais pu participer à ce record, n’est-ce pas? J’aurais pu dire : Wow! Je l’ai utilisée. C’est un peu comme aller au Louvre et ne pas voir La Joconde? D’une certaine façon, on passe à côté de l’essentiel.
[NARRATEUR] Dans son œuvre de fiction, Robert Sawyer a souvent situé l’intrigue de ses romans dans des installations de recherche de calibre mondial. Pour son vingt-troisième roman, Quantum Night, il s’est inspiré du Centre canadien de rayonnement synchrotron établi à Saskatoon, en Saskatchewan.
[ROBERT SAWYER] Ce choix allait de soi. Permettez-moi de vous lire un extrait du roman. [LECTURE] Kayla et moi sommes arrivés au Centre canadien de rayonnement synchrotron un peu après 9 h. J’ai remarqué avec amusement que l’adresse du centre, situé sur le campus de l’Université de la Saskatchewan, était…
Quelle est cette adresse? [UN MEMBRE DU PUBLIC RÉPOND ET M. SAWYER RÉPÈTE] 44, boulevard Innovation!
[IL POURSUIT LA LECTURE] Je suppose qu’il était difficile pour les autres entreprises établies dans cette rue d’être à la hauteur de ce que Kayla décrivait pendant qu’elle me faisait visiter. Un synchrotron, a-t-elle dit tandis que nous marchions, est un instrument incroyablement polyvalent; c’est le couteau suisse des accélérateurs de particules. On peut le régler de manière à réaliser à peu près n’importe quoi, ajuster la gamme d’énergie, la longueur d’onde, la résolution, la luminosité des photons et la taille des faisceaux. Les chercheurs ici travaillent dans toutes sortes de domaines : physique fondamentale, archéologie, géologie, botanique, nouvelles sources de carburant, science des matériaux.
C’est incroyable de voir la quantité de recherches scientifiques exceptionnelles de calibre mondial menées ici. Et de constater comment des appareils conçus dans un but précis — comme c’étaient le cas pour le synchrotron et le SNOLAB — ont vu leur rôle s’étendre avec le temps. Qui aurait pu penser, au moment de la construction du synchrotron, qu’un de ses principaux domaines de recherche serait l’archéologie? C’est vraiment phénoménal ce qu’on arrive à faire une fois l’infrastructure en place.
[NARRATEUR] Pour ses romans, Robert Sawyer s’est inspiré de grandes installations scientifiques situées aussi bien à l’échelle internationale — par exemple, le CERN, un laboratoire de physique des particules en Suisse — qu’au Canada, comme le département de paléontologie du Musée royal de l’Ontario à Toronto et l’accélérateur de particules TRIUMF à Vancouver. Il s’emploie, dans ses œuvres de fiction, à mettre en lumière les installations scientifiques canadiennes.
[ROBERT SAWYER] Je ne vais jamais à l’extérieur des frontières du Canada, sauf quand les contraintes du récit m’y obligent. Par exemple, j’ai écrit le roman Un procès pour les étoiles. Ce drame judiciaire raconte l’histoire d’un extraterrestre accusé de meurtre. Aux États-Unis, le défendeur risque la peine de mort. Au Canada, il ferait seulement l’objet d’une sévère réprimande. J’ai donc dû situer l’intrigue aux États-Unis pour que les enjeux soient plus dramatiques. Mais dans toute autre circonstance, j’essaie de trouver une solution au Canada. Et au cours de ce siècle, j’y suis parvenu.
[NARRATEUR] L’enthousiasme de M. Sawyer pour la science au Canada vient de son passé d’aspirant scientifique devenu écrivain. Il a vu se transformer la recherche au pays au cours des décennies. Il en parle dans un entretien après sa présentation.
[ROBERT SAWYER] Selon moi, nous n’avons jamais fait mieux, mais cela ne veut pas dire que la recherche scientifique au Canada ne peut pas s’améliorer encore. Je crois que nous sommes sur une belle lancée. Nous avons eu un lauréat du prix Nobel de physique en 2018. Nous avons eu un prix Nobel de physique trois ans auparavant et je m’attends à voir de plus en plus de prix Nobel canadiens en sciences. Nous verrons aussi de plus en plus d’étudiants en sciences canadiens rester ici parce qu’ils ne trouveront pas mieux ailleurs.
Parce que le SNOLAB est le meilleur endroit au monde pour mener des recherches fondamentales sur les particules. Le Centre canadien du rayonnement synchrotron est le meilleur endroit au monde pour réaliser tous ces travaux que permet un synchrotron. Notre brise-glace Amundsen est le meilleur endroit au monde pour mener des recherches sur l’Arctique. Nous avons non seulement les cerveaux les mieux formés, mais aussi les meilleures installations. Et ils nous permettront d’être reconnus sur la scène mondiale.
[NARRATEUR] Cette vision optimiste de Robert Sawyer sur l’avenir de la science au Canada, on la retrouve aussi dans son approche de l’écriture de fiction. Pour lui, la science-fiction est un instrument qui peut influencer notre façon d’envisager l’avenir et le rôle de la recherche dans la construction de cet avenir.
[ROBERT SAWYER] Si la science-fiction me passionne, ce n’est pas, comme on le croit souvent, parce qu’elle prédit l’avenir, car ce n’est pas notre rôle de prédire l’avenir. Notre travail consiste à laisser entrevoir la multiplicité des avenirs possibles, l’éventail de demains potentiels, afin que nous puissions nous dire : Mais c’est terrible! La surveillance omniprésente des citoyens, l’absence de vie privée, le manque de liberté. Nous ne voulons pas cela! Vous savez, c’est ce que George Orwell nous a rappelé. Ou encore, nous pouvons nous dire : Il existe plein de nouvelles technologies reproductrices, mais si nous laissons cela entre les mains des hommes… Margaret Atwood a écrit un roman de science-fiction à ce sujet – La servante écarlate, n’est-ce pas?
Malheureusement, ces livres de science-fiction qui offrent des représentations dystopiques sont généralement plus faciles à écrire – Si les choses continuent comme cela, ça va aller très mal. Dans cet éventail de possibilités, j’ai voulu – c’est ce qui m’intéresse – trouver cet élément qui n’a pas encore été vu comme une proposition appétissante. Je veux montrer que si nous nous servons correctement de l’intelligence artificielle, nous pouvons nous donner ce monde qui sera meilleur pour tous. Si nous menons des recherches sur la génomique et la génétique et partageons l’information génétique dans un contexte de médecine socialisée, nous pourrons assurer une vie meilleure, plus longue, plus saine à l’ensemble de la population.
Selon moi, quand la science-fiction met à profit sa nature spéculative pour proposer des perspectives positives, on peut stimuler les gens… et c’est tant mieux si je stimule mes lecteurs. Cela dit, c’est secondaire. Ça me permet de gagner ma vie, mais c’est secondaire. Ce qui est important, c’est que ces lecteurs se mobilisent pour faire bouger leurs représentants gouvernementaux et qu’ils leur disent : Voilà ce que nous voulons! Donnez-le nous! Donnez-nous une intelligence artificielle productive et sécuritaire! Donnez-nous une plus longue espérance de vie en bonne santé. Donnez-nous des moyens d’augmenter la rentabilité des récoltes comme jamais auparavant. Donnez-nous cet avenir. Ne nous donnez pas celui où les robots deviennent les maîtres du monde. Ne nous donnez pas celui où nous n’avons aucune liberté de reproduction. Ne nous donnez pas celui où nous n’avons plus de vie privée. Choisissez ces avenirs…
Et je veux promouvoir les avenirs positifs que je connais… Parce que cela fait 150 ans, maintenant 151 ans, que nous travaillons dans ce pays à bâtir ces avenirs prospères. Et nous essayons de le faire pour tout le monde! Aucun autre pays sur la planète n’a une feuille de route comme la nôtre.
[NARRATEUR] À la fin de sa présentation, Robert Sawyer rappelle aux chercheurs présents dans la salle le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’avenir de la recherche au Canada.
[ROBERT SAWYER] Mon écrivain de science-fiction préféré, Arthur C. Clark, a déjà dit : Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. Je ne crois pas que ce soit tout à fait vrai. Selon moi, si on s’engage trop loin dans la magie, on enfreint les lois connues de la physique, la conservation de la masse et de l’énergie. Mais je souscris à son idée selon laquelle plus la science évolue… Maintenant que nous sommes dans la seconde décennie du 21e siècle, songez à quel point nous avons évolué. Imaginez où nous en serons à la cinquième décennie, à la neuvième décennie de ce siècle. Plus la science évoluera, plus elle paraîtra miraculeuse au grand public. Les choses que nous sommes capables de faire. Vous, les chercheurs, obtenez le financement. Avec la FCI, vous disposez d’un formidable organisme auquel vous êtes redevable. Vous avez aussi une grande responsabilité envers vos collègues masculins et féminins. Vous devez veiller à prendre les bonnes décisions, tandis que nous avançons vers un merveilleux avenir dans lequel je pourrais moi-même être un scientifique si j’étais né aujourd’hui.
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