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Kinshasa, septembre 1974
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Le 25 septembre 1974, la ville de Kinshasa au Zaïre s’apprête à accueillir un combat de boxe historique. La rencontre devait opposer Mohamed Ali et George Foreman. Victime d’une blessure à l’arcade sourcilière, Foreman renonce temporairement à affronter son meilleur adversaire. Si la confrontation sportive est décalée d’un mois, le festival de musique est, lui, maintenu aux dates initiales. James Brown, Miriam Makeba, Tabu Ley Rochereau, B.B. King, entre autres, seront de la fête et raviront les spectateurs congolais. C’était il y a 50 ans !
L’intention de rapprocher les diasporas africaines transatlantiques est manifeste et Don King, promoteur américain de ce rendez-vous unitaire, y voit l’occasion de célébrer le peuple noir sous le haut patronage de l’omnipotent président Mobutu. Si l’enjeu politique de cet événement n’échappa pas aux plus fins observateurs, l’élan universel résista à l’érosion du temps. Durant trois jours, des artistes unis par leurs origines ancestrales africaines célébreront leur force expressive commune. À cette époque, la fronde des mouvements de contestation contre la ségrégation aux États-Unis peine à ébranler les certitudes d’un pouvoir blanc toujours très répressif. Les grands orateurs ont été réduits au silence. John Fitzgerald Kennedy, Malcolm X, Martin Luther King, Bobby Kennedy ne sont plus et les seuls porte-paroles, déclarés ou non, de la lutte antiraciste sont les artistes et les sportifs dont l’aura populaire provoque un sursaut citoyen.
Mohamed Ali est alors une icône dont les discours sont écoutés et dont les mots marquent les esprits : « Je pensais que le Congo était une immense jungle avec des animaux sauvages prêts à nous attaquer parce que c'est l'image qu'en donnent les États-Unis. Les américains ont peur de venir ici. Et finalement, j'ai découvert un peuple amical, un pays structuré avec des aéroports, des hôtels, de jolies maisons, des boîtes de nuits, c'est très accueillant. Pour vous dire la vérité, je pense que la jungle se trouve à New York. Vous avez des flics partout, armés jusqu'aux dents, on entend parler de meurtres tous les jours, de trafics de drogues, de viols de jeunes femmes, de vols à la tire... Encore récemment un type a fait irruption dans une banque et a tué 12 personnes, des accidents de train ont eu lieu, voilà ce qu'est l'Amérique aujourd'hui ! Ici, c'est si calme, les sauvages sont aux États-Unis. J'ai beaucoup voyagé et je peux témoigner de la différence entre plusieurs pays. J'arrive de Paris, et croyez-le ou non, ce sont des noirs qui pilotaient l'avion... Impensable aux États-Unis ! ». (Extrait du documentaire When We Were Kings réalisé par Léon Gast)
Mohamed Ali n’est pas le seul à revendiquer ses liens avec le continent africain. Le Roi du Blues, présent à Kinshasa en ce mois de septembre 1974, paraît lui aussi atterré par l’image désastreuse que la grande Amérique renvoie de l’homme noir à travers la planète et s’indigne des méfaits de l’esclavage sur ses contemporains : « Je nous vois comme de pauvres noirs qu'on aurait abandonnés dans le désert. On nous a séparés de notre culture ancestrale et largués au milieu de nulle part. Nous savons que nous avons une terre quelque part sur cette planète qui nous appartient. Nous ressentons les liens qui nous unissent à cette terre, mais nous ne savons pas où elle se trouve. Elle est en nous, mais nous devons trouver ceux qui pensent et vivent comme nous. Et aujourd'hui, nous sommes ici au Zaïre, nous sommes très bien accueillis, et même si nous ne comprenons pas la langue de ce pays, nous savons que des racines culturelles nous rapprochent au-delà du temps qui passe, au-delà des drames et des morts... » (Extrait du documentaire When We Were Kings réalisé par Léon Gast)
Cette réunion œcuménique de talents afro-confraternels ne règlera évidemment pas le problème des discriminations. Les exactions se poursuivront et les injustices subsisteront mais, durant quelques heures, une volonté sincère de faire entendre la voix de la raison et d’afficher la puissance sociale d’une communauté africaine soudée redonnera espoir aux combattants de la liberté. Un demi-siècle plus tard, ce vœu n’est peut-être pas exaucé, mais il inspire toujours les âmes sensibles et les hommes et femmes de bonne volonté.
Le Festival Jazz de Kinshasa accompagne d’ailleurs cette année cette profession de foi en choisissant de hisser le flambeau : « Jazz for Peace ».
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Le 25 septembre 1974, la ville de Kinshasa au Zaïre s’apprête à accueillir un combat de boxe historique. La rencontre devait opposer Mohamed Ali et George Foreman. Victime d’une blessure à l’arcade sourcilière, Foreman renonce temporairement à affronter son meilleur adversaire. Si la confrontation sportive est décalée d’un mois, le festival de musique est, lui, maintenu aux dates initiales. James Brown, Miriam Makeba, Tabu Ley Rochereau, B.B. King, entre autres, seront de la fête et raviront les spectateurs congolais. C’était il y a 50 ans !
L’intention de rapprocher les diasporas africaines transatlantiques est manifeste et Don King, promoteur américain de ce rendez-vous unitaire, y voit l’occasion de célébrer le peuple noir sous le haut patronage de l’omnipotent président Mobutu. Si l’enjeu politique de cet événement n’échappa pas aux plus fins observateurs, l’élan universel résista à l’érosion du temps. Durant trois jours, des artistes unis par leurs origines ancestrales africaines célébreront leur force expressive commune. À cette époque, la fronde des mouvements de contestation contre la ségrégation aux États-Unis peine à ébranler les certitudes d’un pouvoir blanc toujours très répressif. Les grands orateurs ont été réduits au silence. John Fitzgerald Kennedy, Malcolm X, Martin Luther King, Bobby Kennedy ne sont plus et les seuls porte-paroles, déclarés ou non, de la lutte antiraciste sont les artistes et les sportifs dont l’aura populaire provoque un sursaut citoyen.
Mohamed Ali est alors une icône dont les discours sont écoutés et dont les mots marquent les esprits : « Je pensais que le Congo était une immense jungle avec des animaux sauvages prêts à nous attaquer parce que c'est l'image qu'en donnent les États-Unis. Les américains ont peur de venir ici. Et finalement, j'ai découvert un peuple amical, un pays structuré avec des aéroports, des hôtels, de jolies maisons, des boîtes de nuits, c'est très accueillant. Pour vous dire la vérité, je pense que la jungle se trouve à New York. Vous avez des flics partout, armés jusqu'aux dents, on entend parler de meurtres tous les jours, de trafics de drogues, de viols de jeunes femmes, de vols à la tire... Encore récemment un type a fait irruption dans une banque et a tué 12 personnes, des accidents de train ont eu lieu, voilà ce qu'est l'Amérique aujourd'hui ! Ici, c'est si calme, les sauvages sont aux États-Unis. J'ai beaucoup voyagé et je peux témoigner de la différence entre plusieurs pays. J'arrive de Paris, et croyez-le ou non, ce sont des noirs qui pilotaient l'avion... Impensable aux États-Unis ! ». (Extrait du documentaire When We Were Kings réalisé par Léon Gast)
Mohamed Ali n’est pas le seul à revendiquer ses liens avec le continent africain. Le Roi du Blues, présent à Kinshasa en ce mois de septembre 1974, paraît lui aussi atterré par l’image désastreuse que la grande Amérique renvoie de l’homme noir à travers la planète et s’indigne des méfaits de l’esclavage sur ses contemporains : « Je nous vois comme de pauvres noirs qu'on aurait abandonnés dans le désert. On nous a séparés de notre culture ancestrale et largués au milieu de nulle part. Nous savons que nous avons une terre quelque part sur cette planète qui nous appartient. Nous ressentons les liens qui nous unissent à cette terre, mais nous ne savons pas où elle se trouve. Elle est en nous, mais nous devons trouver ceux qui pensent et vivent comme nous. Et aujourd'hui, nous sommes ici au Zaïre, nous sommes très bien accueillis, et même si nous ne comprenons pas la langue de ce pays, nous savons que des racines culturelles nous rapprochent au-delà du temps qui passe, au-delà des drames et des morts... » (Extrait du documentaire When We Were Kings réalisé par Léon Gast)
Cette réunion œcuménique de talents afro-confraternels ne règlera évidemment pas le problème des discriminations. Les exactions se poursuivront et les injustices subsisteront mais, durant quelques heures, une volonté sincère de faire entendre la voix de la raison et d’afficher la puissance sociale d’une communauté africaine soudée redonnera espoir aux combattants de la liberté. Un demi-siècle plus tard, ce vœu n’est peut-être pas exaucé, mais il inspire toujours les âmes sensibles et les hommes et femmes de bonne volonté.
Le Festival Jazz de Kinshasa accompagne d’ailleurs cette année cette profession de foi en choisissant de hisser le flambeau : « Jazz for Peace ».
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